Bernard Sapoval dans « Universalités et fractales » :
« La percolation est des phénomènes critiques les plus simples. Un phénomène est dit critique pour caractériser le fait que les propriétés d’un système peuvent changer brusquement en réponse à une variation même très faible des conditions extérieures. Dans les conditions critiques, le système hésite entre deux états différents, il est instable et présente de grandes fluctuations. (…) Percolation vient du latin « percolare » : couler à travers. Dans la pratique courante, on sait faire du café avec un percolateur qui injecte de l’eau dans une poudre de café comprimé. (…) Pour obtenir du café, il faut qu’il y ait suffisamment de passage entre les grains pour laisser l’eau filtrer. L’eau peut ne pas passer, soit parce que des pores sont bouchés, soit parce que les connexions entre les pores sont bloquées. Pour avoir du café, il faut que l’eau puisse « percoler ». Il n’est pas si facile de faire du bon café. Vous pourriez penser qu’il n’y a qu’à diluer les grains et avoir des pores grands ouverts. Mais si les pores sont trop grands et contiennent trop d’eau, on extraira bien les arômes, mais le café sera trop dilué. Au contraire, si la poudre est trop serrée, on bouchera aléatoirement trop de pores et… plus de café. (…) La réalité nous en offre des illustrations spectaculaires. Ainsi les incendies de forêt en l’absence de vent. (…) La percolation a de nombreuses applications dans l’étude et la maîtrise des propriétés des matériaux hétérogènes comme les matériaux composites. (…) Le plus souvent, le pétrole se trouve dans des milieux ou des roches poreuses d’où l’on ne sait extraire que 30 à 40% de cette source d’énergie présente. (…) On a affaire à la propagation d’un fluide moins visqueux dans un milieu poreux aléatoire. (…) La représentation la plus simple d’un milieu poreux est un assemblage de conduits de tailles variables, tailles réparties selon une certaine loi de probabilité. Les gros pores sont plus facilement envahis que les petits. (…) L’invasion qui se produit suivant ce mécanisme a été baptisée « percolation d’invasion »
La percolation est un processus physique critique qui décrit pour un système, une transition d’un état vers un autre. C’est un phénomène de seuil associé à la transmission d’une « information » par le biais d’un réseau de sites et de liens qui peuvent, selon leur état, relayer ou non l’information aux sites voisins. Ce phénomène a été étudié pour la première fois en 1957 par Hammersley qui cherchait à comprendre comment les masques à gaz des soldats devenaient inefficaces. Le terme de percolation vient du phénomène similaire qu’est le passage non plus d’un gaz, mais de l’eau à travers le percolateur de la machine à café qui est un filtre au même titre que le masque à gaz. (Dans ce cas l’information est le fluide, eau ou gaz, et les sites sont les pores du filtre qui relayent l’information s’il ne sont pas bouchés) Le seuil de percolation correspond à l’apparition au sein du système d’un amas de taille infini. Cette apparition est décrite mathématiquement comme étant une « transition de phase du second ordre ».
La percolation
La percolation est cette capacité pour un fluide (une information, une rumeur, une nouveauté technologique, un revenu ou un liquide) de traverser un tas ou un système chaotique, par des déplacements de proche en proche. Le seuil de percolation est le début d’une transformation (de la rétention à l’écoulement) ou d’une émergence (un insight, une illumination, le cri d’eureka). On retrouve la différence entre information et connaissance. Sur un glacier, la percolation de l’eau (phase liquide) dans la neige contribue à la formation du névé, puis de la glace. Dans un terrain de type sagne ou tourbière, faute de pente, l’eau d’un ruisseau peut difficilement se frayer un chemin. Dans le cas de la Goutte de l’Oule, malgré la pente, on ne peut parler de ruisseau que dans la mesure où l’homme l’aide à se montrer comme un cours (cheminement, mouvement d’écoulement) d’eau et non comme un marais stagnant (qui ne coule pas). Dans l’altération des roches de surface, la vitesse de circulation des eaux au contact des minéraux est le facteur principal. D’où l’importance de la vitesse de percolation de l’eau, à travers l’horizon en cours d’altération. Cette vitesse est fonction du climat (pluviosité et température de l’eau). Lors de la formation des roches métamorphiques, dans la profondeur de la lithosphère, les fluides (eau, CO2, CH4, O2, N2) restent abondants, même à de grandes profondeurs. Cela implique que la percolation se prolonge assez loin dans l’intérieur de la Terre.
Formalisation. Le concept mathématique de percolation a été formulé par le mathématicien anglais J. M. Hammersley, en 1957. Il cherchait à décrire le passage d’un fluide à travers un milieu poreux. Peu à peu, le concept de percolation s’est répandu dans de nombreux domaines. Généralement, il cherche à décrire un phénomène critique (crucial). Avant le seuil de percolation, il n’y a pas d’écoulement. Au-delà de ce seuil, l’écoulement est très large. C’est pourquoi on emploie ce terme en épidémiologie. Il pourrait aussi s’appliquer à la mode et à tout phénomène d’imitation ou de contagion : dans une forêt en feu, un arbre ne brûle que si plusieurs de ses voisins sont en flammes. On retrouve le jeu de la vie de Conway. La percolation peut être isotrope (identique dans toutes les directions) ou anisotrope (le feu va peu contre le vent et revient difficilement sur la terre brûlée). Les modèles mathématiques de la percolation permettent de comprendre le passage d’un chaos vers un réseau. On réalise une multiplication aléatoire de liens entre des couples de points d’un ensemble. Au-delà d’un certain seuil de connexion, un écoulement se réalise de part en part. L’émergence d’un véritable réseau solidarise le fonctionnement de l’ensemble. Un chaos structurant précède ce qui peut apparaître, rétrospectivement, comme une pensée organisatrice.
Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel français de Physique en 1991 (pour ses découvertes sur les cristaux liquides et les polymères), est l’auteur de travaux sur la percolation. En 1969, P. W. Kasteleyn et C. M. Fortuin ont montré la correspondance entre les grandeurs mesurant la percolation et celles utilisées pour simuler des transitions de phase. La percolation réunit des éléments, de proche en proche, pour former des amas (mouillés, malades, conducteurs, à la mode, etc, selon le domaine) de plus en plus gros. L’amas infini possède une propriété d’auto-similitude qui en fait une fractale. On peut donc mesurer sa dimension fractale (dimension non-entière, dimension de Hausdorff-Besicovitch). Combinant géométrie et statistiques, la physique des systèmes désordonnés regroupe les travaux sur la percolation, sur les objets fractals et sur le chaos.
(Dans tous les domaines, la percolation peut se traduire par des arrêts ou par des écoulements brutaux imprévisibles (choc économique par disparition brutale et contagieuse de la confiance). Un désordre local (Sarajevo, 1914 ; Wall Street, 1929 ; New-York, 11 septembre 2001) peut entraîner un désordre général.
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